1er janvier 2023


Edito de l’évêque> Accueillir et servir la vie

Le temps de Noël s’achève, après ces jours de retrouvailles, de rencontres familiales, de fêtes et de cadeaux, mais peut être aussi ce temps où les blessures de nos vies sont plus vives et la solitude plus lourde. Nous accueillons l’horizon d’une année nouvelle avec tout ce que cet avenir peut contenir d’incertitudes, d’attentes, d’espérance.

L’Évangile du 1er janvier nous ramène à Bethléem, en ce lieu où Jésus est né. Il y a comme un empressement, un mouvement rapide pour rejoindre ce lieu, découvrir Marie et Joseph prenant soin de l’enfant. Le deuxième mouvement est de raconter à d’autres, récit qui provoque l’étonnement des auditeurs. Quant à Marie, elle garde en son cœur ces événements et les médite.
Nous avons là quelques repères précieux pour appeler et entraîner notre chemin de foi :
Revenir au cœur de l’évènement et ne pas se lasser de le découvrir, de le contempler, de l’accueillir.
Raconter ce dont nous sommes témoins, ce que nous en percevons, ce qui nous dépasse.
Avec d’autres, nous laisser étonner de ce qu’il nous arrive.

Marie la première nous ouvre le chemin de garder au cœur ces événements, de les méditer.

Oui, ne quittons pas trop vite la contemplation du mystère de Noël que nous célébrons.
Ne passons pas à côté de de l’évènement que nous contemplons. En un enfant Dieu se fait proche. Il se fait l’un de nous, pour que nous nous approchions de lui et vivions pleinement avec lui. Et le devenir de cet enfant nous dévoilera tout le mystère de cette présence et de ce qu’elle vient accomplir en nous et entre nous.

Noël. Dieu vient. Se fait chair. Il s’inscrit dans notre humanité. Il nous dit ainsi la valeur de la vie, de toute vie, de toute personne. Nous accueillons la nouvelle d’un Dieu qui, pour nous, veut et choisit la Vie. Cela, il nous le manifeste en un enfant. C’est sa manière étonnante de venir nous rejoindre, petit, dépendant, n’étouffant pas en lui l’espérance, accueillant la vie et la servant tout au long de son parcours d’homme.
Nous laisser rejoindre par cette nouvelle est non seulement source de grande joie, mais aussi invitation à prendre soin de la vie sous toutes ses formes, à la respecter, à la servir.

Là est notre responsabilité de chaque jour. Dans l’attention et le respect des personnes auprès de nous, dans l’attention aux plus fragiles, à ceux qui dépendent de leurs frères pour passer une étape délicate. Dans la vigilance pour que ce respect de la vie demeure inscrit dans notre manière de vivre ensemble.

Au moment où dans notre pays s’engage une nouvelle fois une réflexion sur la fin de vie et la manière de l’accompagner, puissions nous être témoins attentifs et engagés de ce Dieu qui veut la vie pour chacun.*

Belle année à chacun dans l’accueil et le service de la vie.

 

+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon

 

 

* Pour prolonger notre réflexion, nous pouvons lire et approfondir avec d’autres la lettre pastorale des évêques aux catholiques de France ‘ô mort, où est ta victoire ?’ du 8 novembre 2022
https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/eglise-et-bioethique/science-et-ethique/fin-de-vie-2/531765-o-mort-ou-est-ta-victoire-lettre-pastorale-des-eveques-de-france-aux-fideles-catholiques/

Paroisses en créations > 2023 dans le bon ordre, l’Essentiel en premier !

Je prépare ces vœux alors que je n’ai pas encore fêté la naissance du Sauveur : nécessité du calendrier rédactionnel, mais qui me semble souligner que dans l’ordre des priorités, je fais exactement le contraire, et qu’il n’y a là qu’une redite de ce que nous voyons autour de nous. Un inversement des priorités, un renversement dans le classement du nécessaire et du superflu. C’est encore plus flagrant en période de fête, quand soudain tout semble s’organiser pour nous faire oublier l’essentiel.

Et nous voilà débordés par une orgie consumériste, qui masque le mal-être de tous ceux qui parient sur l’avoir plutôt que sur l’être ; par un emballement de la fabrication d’objets inutiles, éphémères, et vains, qui occasionne des dégâts irréversibles touchant le nécessaire de certains, au bénéfice du superflu de si peu. Nous voilà noyés sous les propositions gourmandes, bientôt dévorantes, qui basculent aisément dans la sur-bouffe, le gâchis et les déchets. Au pays de la gastronomie et de la convivialité attablée 1, c’est un comble !

Le rétablissement des priorités, c’est « passer de la consommation au sacrifice, de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partager, dans une ascèse qui signifie apprendre à donner et non simplement à renoncer. C’est une manière d’aimer, de passer progressivement de ce que je veux à ce dont le monde de Dieu a besoin. » 2 Ce réajustement, ce nouvel alignement à trouver dans notre vie chrétienne et quotidienne, ordonnera nos relations nouvelles aux Hommes, à Dieu, et à toute sa Création.

Alors en ce début d’année, je vous souhaite de pouvoir, dans la joie, donner la meilleure place à l’essentiel, avec un grand E comme l’Éternel, l’Esprit-Saint, l’Emmanuel ! Je vous souhaite une grande Espérance et beaucoup d’endurance dans votre Charité, afin que vous soyez appelés Enfants de Dieu !

Marie-Anne Molle

1- L’abondance frugale comme art de vivre. Bonheur, gastronomie et décroissance, de Serge Latouche, qui cite Brillat-Savarin.

2- Patriarche Bartholomée cité in Laudato Si §9

Portrait> Pascale Léger : entre ciel et terre à la Sainte Baume

Pascale Léger est écrivain, passionnée par les grands personnages du Ier siècle, comme Saint Joseph, Jean Baptiste, et bien sûr Marie Madeleine.

Habitant dans la plaine du Luberon, les simples mots de Sainte Baume ont fait rêvé cette amoureuse des mots : huile et parfum du mot baume évoquent pour elle Marie- Madeleine, même si elle reconnaît qu’une baume en provençal, c’est avant tout une grotte !


« La Sainte Baume est à la fois une montagne et une forêt. C’est toujours un éblouissement de s’y rendre

On est sur une petite route dans la plaine et tout à coup, on aperçoit cette grande barre rocheuse avec la forêt en dessous ; c’est comme si on entrait dans un autre univers, un autre rythme, dans le temps du sacré. Entrer ensuite dans la forêt à pieds est quelque chose d’extraordinaire. L’été, après avoir traversé des champs écrasés de soleil, vous pénétrez dans la forêt humide avec une canopée qui ne fait pas entrer le soleil, et il y a quelque chose d’accueillant, de frais ; là on a envie de se taire, d’ouvrir tous ses sens, et d’évoquer tout le passé sacré de cette forêt. Mais c’est essentiellement pour moi la forêt de Marie-Madeleine. »

Les amis de Jésus dont Marie-Madeleine, ont été chassés par des juifs qui trouvaient qu’ils prenaient trop d’importance. Avec l’aide des Romains, ils auraient été mis sur un bateau sans voile, sans mât ni gouvernail, et l’Esprit Saint les auraient conduits aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Là, le groupe s’est séparé. Marie-Madeleine suit alors son frère Lazare à Marseille quelques années. Puis, éprouvant le besoin d’un lieu plus solitaire, elle remonte le cours de l’Huveaune et arrive au massif de la Sainte Baume. On dit qu’elle y demeurera 33 ans, en ermite, en habitant surtout dans cette grande grotte.

« Deux chemins conduisent à la grotte : le chemin des rois, emprunté par tous les rois et pèlerins venus prendre un temps de dévotion, et un autre chemin, moins facile avec des marches, le chemin du canapé, un chemin beaucoup plus sauvage, suscitant un double sentiment : à la fois d’être protégé, et aussi d’une crainte finalement pas très grave car la présence de Marie-Madeleine va nous aider.


Après la grotte, je continue à monter vers le Saint Pilon, et en haut, après l’effort, c’est la grâce :

il n’y a plus d’arbre, avec une vue à 360 degrés, en lien avec l’immensité du ciel et l’immensité de la terre en dessous. Le Saint Pilon est l’endroit où Marie-Madeleine était transportée par les anges 7 fois par jour, pour retrouver là son Bien Aimé le Christ. Il y a là une petite chapelle.
Comment se nourrissait Marie-Madeleine ? Peut-être de grâce divine et de prière. D’autres disent qu’elle avait la connaissance des plantes, des huiles. 
Elle devait aussi quitter de temps en temps la forêt pour aller à la rencontre des habitants proches. On lui attribue des guérisons miraculeuses. La tradition dit aussi qu’elle sortait de la forêt une fois par semaine pour recevoir, de Maximin, la communion. »

Ce qui est très beau, c’est de voir que des marcheurs qui viennent en cette forêt, deviennent des pèlerins parce qu’ils sont touchés par la présence de Marie-Madeleine et par ce qui se passe là dans cette forêt à la beauté unique. Et puis il y a la présence des Dominicains qui accueillent et qui sont les gardiens de la forêt et de la mémoire de Marie-Madeleine. 

Résumé d’un entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le Taire » sur RCF Vaucluse

par Sylvie Testud

Le livre du mois> Soyez rationnel devenez catholique, de Matthieu Lavagna

Si le but de ce livre, véritable encyclopédie apologétique, n’est pas de donner la foi - seule une rencontre personnelle avec Dieu le peut -, il prépare néanmoins le terrain de cette rencontre…

En effet, il permet de lever de nombreux préjugés contre la foi - catholique notamment - mais également, dans un monde où le relativisme règne en maître, de s’ouvrir à la possibilité d’une vérité absolue.

Par ailleurs, il offre aux croyants le moyen de nourrir intellectuellement leur foi pour qu’ils soient toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui les anime, comme le demande Saint Pierre…

Car la foi, si elle est une vertu théologale, c’est-à-dire un don de Dieu, est également un acte de volonté et une relation de confiance qui doit être éclairée par l’intelligence et la connaissance de son contenu doctrinal.

La première partie de l’ouvrage se concentre sur les raisons de croire en Dieu de manière générale.
Le principal argument porte sur la nécessité d’un être qui soit la cause de tous les êtres contingents (qui requièrent une explication externe) ; un être nécessaire, donc, qui soit dépourvu de toutes limites arbitraires : un être par conséquent parfait , omniscient, omnipotent, immatériel, éternel, libre…
L’argument suivant est l’argument moral : le fameux « si Dieu n’existe pas, tout est permis ». Si l’homme est le seul maître à bord, c’est lui qui définit la vertu, et celle-ci est alors relative aux différentes cultures. S’il n’y a pas d’obligation morale objective, tout est donc relatif et c’est alors la raison du plus fort qui l’emporte.

Si tout se vaut en effet , pourquoi la vie d’un Maximilien Kolbe serait elle plus exemplaire que celle de ses bourreaux nazis… et pour quelle justice au bout du compte ?

Bien d’autres arguments sont développés, mais en définitive

si Dieu n’existe pas, notre existence est absurde.

Et le désespoir qui en découle conduit soit au suicide, soit à ne pas y penser en jouissant de la vie autant que faire se peut, soit comme le propose l’existentialisme de Sartre, de construire soi même le sens de sa vie et ses propres valeurs - mais avec le risque du relativisme déjà mentionné.

De là se pose la question : s’il existe un seul Dieu, pourquoi plusieurs religions ?

Après avoir évacué les religions qui s’apparentent au panthéisme, pour les fameuses raisons ayant trait à l’être nécessaire, l’auteur aborde le monothéisme, et plus particulièrement le Christianisme.
Dans un premier temps, il rappelle toutes les preuves de l’existence de Jésus, personnage historique pour lequel on possède plus de sources fiables que pour bien d’autres personnages de l’antiquité - tel Jules César - dont l’existence n’est pas mise en doute.
Il évoque ensuite la fiabilité du Nouveau Testament, dont les principaux manuscrits sont authentifiés dès le 1er siècle par les Pères de l’Eglise dits apostoliques. En outre, il remarque que les évangiles synoptiques ont forcément été écrits avant la destruction du temple (70 après Jésus Christ), sinon les évangélistes en auraient obligatoirement parlé pour montrer que la prophétie de Jésus à ce sujet s’était réalisée… or ils ne mentionnent que la prophétie.
Par ailleurs, les évangiles possèdent de nombreux éléments descriptifs, historiques et géographiques d’une grande précision, bien différents en cela des évangiles apocryphes, plus portés sur le folklore à caractère merveilleux.

Mais le principal argument en faveur de l’authenticité des quatre évangiles canoniques est que leur contenu est beaucoup trop contre-productif pour qu’il s’agisse d’un mensonge. En effet, si l’on veut inventer une histoire, on évite en général de se ridiculiser !

Annoncer un Dieu qui meurt lamentablement sur une croix n’est déjà pas très porteur, mais se décrire comme des incrédules apeurés, des lâches et des traîtres , qui reçoivent l’annonce de la résurrection de la part de femmes (que valent les paroles des femmes à cette époque ?!) l’est encore moins.
Ensuite, si l’on peut mourir pour une idée fausse, on ne meurt pas pour un mensonge qu’on a soi-même inventé ! Or tous ou presque sont morts martyres.
Enfin, Jésus a bel et bien prétendu être le Messie ayant une autorité égale à Dieu : il pardonne les péchés, modifie la loi de Dieu révélée à Moïse, etc.

C.S Lewis disait « Un homme simplement homme et qui prétendrait ce que Jésus a prétendu, ne pourrait pas être un grand maître spirituel. Ce serait un fou ou un imposteur… »
Or il est difficile de penser qu’il était fou, vu par ailleurs la sagesse de ses propos reconnue universellement. Et s’il était un imposteur, pourquoi aurait il supporté d’être torturé et mis à mort pour une chose qu’il savait être fausse ?
« Jésus ne nous a pas laissé cette alternative » poursuivait C.S Lewis .

Il était donc ce qu’il disait : le Fils de Dieu.

De plus, le linceul de Turin vient à notre époque corroborer tout ce qui est écrit au sujet de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. Outre les nombreuses observations qui attestent les sévices de la passion, on peut remarquer qu’il n’y a aucune trace de putréfaction, ce qui prouve que le corps est resté très peu de temps ; aucune trace non plus d’arrachement des fibres, comme si le corps s’était subitement désintégré. De plus, l’image en 3D (produite par une brûlure superficielle non déformée, un rayonnement très spécial) correspond à la projection d’un corps en apesanteur.

Bien d’autres miracles au cours des siècles : miracles eucharistiques, apparitions mariales, sont autant de faits sur lesquels peut s’appuyer notre foi quand notre raison, en définitive bien limitée, cale devant un si grand mystère…

« Si j’hésite, foi prends la barre, raison veille si je m’endors », disait l’écrivain Henri Ghéon.

Car comme le rappelle Jean Paul II en introduction de son encyclique Fides et Ratio :

« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même. »

Enseignement catholique > « Parler de religion à l’école, vivre notre caractère propre »

Réflexions en vrac à partir de la Journée de Formation vécue à la DDEC avec le père Christian Salenson

Après avoir vécu un séminaire autour de la question du Pacte éducatif Global au mois d’octobre, les Adjoints et les Animateurs en Pastorale scolaire de nos établissements ont vécu une journée sur la question du fait religieux à l’école, en rapport avec la nature de la Révélation chrétienne. A cette occasion, nous avons eu comme invité le père Christian Salenson, directeur émérite de l’ISTR de Marseille et actuel directeur du Pôle Education et Religion à l’Institut catholique de la Méditerranée de Marseille (ICM).

Ce temps nous a aidés à réfléchir en tant qu’Adjoints en Pastorale Scolaire dans l’Enseignement catholique sur « comment parler de religion à l’école en vivant notre caractère propre ». Au cours de cette matinée de travail, notre préoccupation a été de dégager quelques axes de recherche, à explorer par la suite dans nos pratiques. Nous avons mieux compris les enjeux du religieux dans nos sociétés.

Le père Salenson nous a invités à sortir d’une vue simpliste de la « question sur le religieux » réduite soit à être la chronique d’une mort annoncée constamment repoussée, soit à son rejet dans le domaine du privé. L’enseignement du fait religieux est au cœur même de notre vocation d’éducateurs dans l’Enseignement catholique. Il est une force de résistance critique contre une réduction à la tyrannie du marché, à une raison enfermée sur elle-même et à l’individualisme propre à notre société sécularisée. 

Contrairement à ce que pensent certains, l’enseignement du « fait religieux » ne fait pas du tout atteinte au principe de laïcité. Une meilleure intelligence de la laïcité aiderait à comprendre quel est l’enjeu principal pour l’Enseignement catholique, de favoriser des espaces où la « question sur Dieu », qui est aussi la « question du sens », peut être posée librement. Dans la "Formation des formateurs à la laïcité" organisée par le Secrétariat général de l’Enseignement Catholique (SGEC) avec les Instituts de Formation de l’Enseignement Catholique (ISFEC), que j’ai eue l’opportunité de suivre la dernière année, j’ai pu réaliser encore davantage la complexité de ce concept de laïcité trop souvent réduit et parfois instrumentalisé pour rejeter les religions dans la sphère privée. Le droit nous apprend que la laïcité est un concept évolutif, qui doit être interrogé. Elle ne saura pas être comprise comme une valeur autonome, au contraire elle doit être en permanence considérée en lien avec une valeur fondamentale : la liberté de croire (liberté religieuse).

Personnellement, cette matinée de travail m’a confirmée sur l’idée que ce qui caractérise notre "caractère propre" ne peut pas se réduire à un peu de catéchèse, à une heure par semaine de première annonce ou à quelques activités pastorales, même si cela fait partie de notre proposition pastorale. Notre "caractère propre" est lié à la capacité de créer des lieux (temps et espace), où la « question sur Dieu » peut être posée en toute liberté et où elle est favorisée. C’est pour cette raison que notre action pastorale ne saura être une pure répétition des énoncés catéchétiques, ou des consignes toutes faites. A contrario, elle doit chercher à favoriser les questions, car les réponses sans questions sont comme des arbres sans racines et sans vie. Dans de tels arbres, les oiseaux ne peuvent pas rester longtemps, ni trouver refuge. Il n’y a que la confrontation des questions et des réponses qui peut nous rendre la réelle signification et le dynamisme de notre état de quête. Les questions sont souvent plus importantes que les réponses, car elles ouvrent l’espace de la rencontre libre avec Dieu et que la vérité se manifeste toujours au cours d’un dialogue.

Oublier ce dynamisme de dialogue conduit à la négation même de la transmission d’une vérité quelconque, car la nature même de la vérité chrétienne est dialogale. Ainsi le disait le théologien allemand, Joseph Ratzinger (Benoît XVI par la suite) analysant la cause de l’abandon de la croyance dans le dernier siècle : 

"La crise de l’annonce chrétienne qui s’intensifie depuis un siècle, provient en grande partie du fait que les réponses chrétiennes passent à côté des questions des hommes ; elles ont toujours été et elles sont encore des vraies réponses, mais comme elles n’ont pas été développées à partir des questions, elles sont restées sans effet. C’est pour cette raison qu’il est indispensable de se poser les questions avec l’homme qui cherche : c’est une composante essentielle de l’annonce en tant que telle, car ce n’est qu’ainsi que la parole (Wort) peut devenir réponse (Ant-wort). Nous devons d’abord faire nôtre le questionnement sur Dieu de l’homme d’aujourd’hui afin d’y redécouvrir Dieu et de pouvoir le dire." Joseph Ratzinger, Foi chrétienne, hier et aujourd’hui

C’est ainsi que l’enseignement du fait religieux est au cœur même de notre « caractère propre ». Il creuse cet état de quête, pas comme un malheur mais comme l’oppportunité d’avancer ensemble, tous et chacun, croyants ou pas, chrétiens ou d’autres religions. Seulement dans cet espace de liberté, la personne pourra retrouver le sens (une direction, un leitmotiv, un ordre) et découvrira ainsi une promesse de vie concrète ouverte pour elle vers l’avenir.

Mme Isabel Velasco, Adjointe au Directeur diocésain pour la Pastorale à la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique

 

 

 

 

Il y a 100 ans dans le diocèse> Autrefois dans le diocèse d’Avignon, - Fraternités sacerdotales -

En ce début d’année, je voudrais aborder cette chronique, pour une fois, d’une autre manière. La dernière chronique de l’année, évoquant les ordinations de décembre 1872, mettait sous nos yeux la riche diversité de quelques figures sacerdotales, où les différences de parcours soulignaient d’autant plus l’importance de la fraternité et de la communion sacerdotales qui sont, dans notre diocèse, une réalité et un bien auquel nous sommes particulièrement attachés.

A la faveur des recherches et découvertes, collectant des photos et portraits de prêtres, je constatai que cette fraternité sacerdotale s’appuyait aussi, parfois, sur la fraternité de sang.

Les frères Coupard

Dans le fonds d’archives de Mgr de Llobet, je découvris un jour l’image souvenir de trois prêtres issus d’une même famille, les frères Coupard, de Vedène.

Noël Coupard, le père, « homme de Dieu par excellence », fut sacristain de Vedène pendant 44 ans. Les trois frères Clément, Basile et Édouard furent ordonnés prêtres, et leur sœur, Rose, se dévoua au service de ses frères.

Clément, Basile, Edouard

Édouard et Basile furent ordonnés prêtres le même jour, le 29 juin 1903. Édouard est décédé le 7 mars 1935 et son frère, Basile, le 10 août de la même année. Leur frère aîné, Clément, qui entra au Petit-Séminaire Pierre-de-Luxembourg (le petit Palais actuel d’Avignon) avec eux, rejoignit assez tôt le diocèse d’Aix-en-Provence, où il poursuivit sa formation, à partir du 8 juin 1898.

« Un chêne sacerdotal vient d’être déraciné » annonçait le chronique nécrologique de l’abbé Édouard Coupard. Après son ordination, il fut successivement vicaire à Jonquières, puis au Thor en 1904. En novembre 1907, il rejoignait Brantes et Savoillans dont il fut recteur pendant deux ans, avant de partir pour Beaumont-de-Pertuis. En 1926, il était transféré curé de Caumont. Cette paroisse « doucement entraînée par son pasteur, (…) travaillait, depuis 9 ans, avec lui, pour réparer et embellir sa belle église paroissiale et la chapelle des pénitents. A cette heure, tout parait neuf. A Caumont la maison de Dieu fait honneur au pasteur et aux paroissiens ».

Basile Coupard « avec ce beau sourire de bonté qui illuminait son visage, il a reçu la Mort », 9 mois après son frère Edouard. Après leur ordination, il fut vicaire à Montfavet, puis recteur de « Beaumont-de-Malaucène » en 1908. En 1912, il était nommé curé de Gargas. Mobilisé pendant la guerre, il fut brancardier et à la démobilisation il fut successivement curé de Cheval-Blanc en 1921, Jonquières en 1925 et enfin Entraigues en 1932. « Dans chacun de ces postes, il fit briller, comme un rayon du ciel, la magnifique bonté de son cœur sacerdotal ».

Les frères Bérard

Les inséparables frères Bérard ! Beaucoup d’entre-nous les ont connus.

Originaires d’Avignon, où leur oncle, le chanoine Pierre Paul Bérard, doyen du vénérable chapitre des chanoines, mort en 1973, fut aussi auparavant archiprêtre de Saint-Agricol. Paul Joseph et Michel Henri sont nés le 10 août 1920.

Paul après son ordination le 19 juin 1943, fut vicaire à Saint-Didier, à Avignon. En 1945, il était aumônier de Saint-Lambert, avant de rejoindre Valréas en 1947 comme vicaire. En 1950, il était nommé vicaire à Pernes, où il ne restera qu’une année, avant de devenir curé de Saint-Michel d’Uchaux et vicaire-économe de Saint-Roch d’Uchaux. En 1954, il est vicaire économe de Rustrel, puis curé de Sault en 1962. En 1982, il est transféré à Cairanne, et mourra le 21 septembre 1997.

Michel est ordonné le 23 décembre 1944, D’abord vicaire au Sacré-Cœur, il est nommé curé de Villars en 1954, et le restera jusqu’en 1962, rejoignant alors son frère Paul. En 1986, alors que Paul est curé de Cairanne, Michel l’est de Rasteau et Roaix, auxquelles s’ajoute Lagarde-Paréol en 1992. Il s’était retiré en 2003 à la Villa Béthanie où il est décédé le 24 septembre 2010.

Un moment séparés dans leurs ministères, à partir de 1962, ils partageaient un même logement, le travail et les responsabilités, alternant, disent les souvenirs dans la responsabilité de curé. Intrépides voyageurs et pèlerins, nous les rencontrions à la faveur des pèlerinages, camps et rassemblements.

Les frères Hilaire


« Qu’on nous regarde comme les serviteurs du Christ » I Cor. IV, 1

Marcel, Georges et Jean, enfants de Richerenches. Marcel, l’aîné, est né le 19 mai 1923 ; Georges le 12 novembre 1924 à Richerenches, et Jean le 10 novembre 1928 à Valréas.

Georges fut ordonné prêtre en premier, le 4 juillet 1948, d’abord vicaire à Saint-Martin de Bollène, puis de Notre-Dame d’Orange en 1955. En 1960 il était nommé curé du secteur de Saint-Martin-de-Castillon, puis transféré curé de Puyméras en 1962 tout en étant auxiliaire à Vaison. Il devient curé de Caumont en 1966. En 1968, il part une première fois comme fidei donum au Tchad. A son retour, en 1972, il est nommé curé de Bédoin et vicaire-économe de Sainte-Colombe, en 1981 il est transféré curé de Bollène. Il part une deuxième comme prêtre fidei donum au Cameroun en 1986. A son retour en 1992, il est devient curé de Mazan, Mormoiron, Villes-sur-Auzon et Méthamis. Retiré à Béthanie à partir de 2000, il n’en poursuit pas moins son apostolat comme aumônier de l’Hospitalité en 2004 puis du Carmel en 2008. Il est décédé le 14 mai 2011. En 2000, au moment de se retirer, il écrivait « Je remercie le Seigneur pour tout ce qu’il a fait pour moi : une famille extraordinaire où j’ai appris à aimer et servir, Dieu et les autres ; l’Église qui m’a fait son prêtre et où j’ai eu beaucoup de joies… ces dix années d’Afrique ; ces camps et ces colonies, patronages ou catéchismes… oui, Seigneur, merci pour tout ».

Marcel fut ordonné prêtre le 29 juin 1949, pratiquement un an après son frère. Après son ordination, il fut successivement vicaire à Cavaillon puis à Saint-Ruf en 1950. Curé des deux paroisses d’Uchaux en 1953, puis de Séguret et Sablet en 1959, il est transféré à Piolenc en 1969 et reçoit aussi la charge de Mornas en 1970. En 1976 il est transféré à Malaucène, puis à Monteux en 1982, à Vacqueyras en 1991 et enfin à Gigondas en 1992. Retiré en 2001, il est décédé le 15 mai 2002. « personne n’oubliera son sourire, signe de sa bonté naturelle, chrétienne et sacerdotale ».

Jean, après son ordination le 29 juin 1951, fut vicaire à Bollène, en même temps que son frère Georges, puis à Saint-Florent d’Orange en 1955, où il suivait encore de près son frère. En 1960 il est vicaire à Saint-Siffrein de Carpentras, puis à Saint-Joseph-Travailleur d’Avignon en 1966, puis curé de cette même paroisse en 1978. Déchargé de cette responsabilité en 1980, il est prêtre au travail jusqu’en 1990, où il assume à nouveau une charge pastorale comme aumônier du Centre Hospitalier. En 1993, il est nommé curé de Villedieu, tout en étant aumônier de l’hopital de Vaison à partir de 1994. En 1999, il est transféré curé de Courthezon, et à partir de 2003, il est prêtre auxiliaire de Camaret. Il s’est retiré à la Villa Béthanie en 2005, et il est décédé le 15 mars 2009.

Photos de prêtres - appel à contribution

Grâce aux versements, dons, contributions, fonds d’archives, j’ai pu constituer un album de plus de 600 reproductions de photos ou portraits de prêtres du diocèse dont les plus anciennes représentations remontent au XVIIIè et les plus récentes sont contemporaines.

A vos albums de famille ! Vous pourrez sans doute trouver des prêtres en photo lors de baptêmes, mariages, communions, pèlerinage, cérémonie... Toute contribution sera bienvenue, même si vous ne savez pas identifier le prêtre : un lieu, une année.
Cet outil est très utile pour m’aider à identifier des prêtres sur d’autres photos anonymes


Un lieu, des prêtres à identifier ? Le premier est sans doute Mgr Jules Avril, à gauche. Et celui de droite ?

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste

Nouvelle évangélisation> Elan national pour les Journées des fiancés

En 2013, avait lieu la première journée diocésaine des fiancés à Avignon, et depuis, de l’eau a coulé sous les ponts... d’Avignon et d’ailleurs.

Se diffusant dans toute la France

Cette année, voilà un pas de plus effectué vers la maturité.

Et pour réfléchir à cette croissance, Samedi 10 décembre 2022, se sont réunis à Avignon et en visio-conférence une cinquantaine de personnes. Pas moins de 19 journées étaient représentées :

Albi, Bordeaux, Côtes d’Armor, Digne, Normandie, Orléans, Var, Vendée, Versailles, Aix-en-Provence, Antibes, Arles, Avignon, Dijon, Le Puy, Marseille, Montpellier, Valence-Viviers

Certaines sont clairement diocésaines, d’autres encore « timidement » paroissiales.

Un point commun toutefois, l’annonce explicite du Kerygme aux couples se préparant au mariage.

Au programme de cette journée :

  • Rappel de la « vision » des Journées des fiancés, leur articulation avec les pastorales diocésaines de la préparation au mariage, les parcours divers des paroisses ; quels écueils, quelles bonnes pratiques ?
  • Clarification de chaque étape d’une Journées des fiancés : son objectif, ses points de vigilance, ses enjeux, diverses pratiques ou usages nouveaux qui ont pu être observés, élaboration d’un canevas technique et spirituel.
  • Réflexion sur la pérennité de ce type de rencontres, l’opportunité d’une structuration nationale des Journées des fiancés, une charte commune et un accompagnement « clé en mains ».

Une longue journée dont les fruits sont en cours de maturation ; des partages et des échanges riches, la joie de se retrouver pour la Mission.

Pour 2023, notez que la prochaine journée aura lieu à Marseille le 7 janvier.

Et que la Journée des Fiancés d’Avignon (couples parrains à vos agendas !) est programmée dimanche 12 mars 2022 à l’Établissement Champfleury - Les Trinitaires.

Patrimoine> Avignon : les deux sépultures de Marie-Maurille

C’est une opinion bien établie que le mois de novembre est propice aux visites de cimetières, il y a même une journée dédiée à cette coutume. C’est pourquoi je décidais de profiter de la messe des défunts du 2 décembre dernier au caveau des Prêtres (voir ma chronique précédente) pour faire, à la sortie, un nouveau tour très complet du cimetière Saint-Véran.

Je terminai par la tombe de Mlle de Sombreuil, car elle est près de la sortie. Et là, je constatai que l’Histoire - la grande, celle qui s’écrit avec H majuscule - est souvent oublieuse, à moins que ce ne soient les Avignonnais…

Commençons par le commencement. En septembre 1792, la Révolution prend son virage sanglant. Le marquis de Sombreuil, Gouverneur des Invalides de Paris, est arrêté avec sa fille à cause de sa fonction si en vue. Incarcéré à la prison militaire de l’Abbaye, il est condamné à mort lors des fameux Massacres de septembre en présence de sa fille qui implore le tribunal de le gracier :

C’est une très jolie jeune fille. Un des massacreurs, le dénommé Vollant, dit « Tape-Dur, » est en train de se rafraîchir en buvant un verre de vin épicé de poudre à canon, boisson préférée des émeutiers à l’époque. Ému par sa beauté, il lui tend en riant son verre qu’il complète en le remplissant dans le seau du sang «  bleu  » du colonel de Saint-Mart que l’on vient juste de décapiter : «  il le retire rouge, fumant, débordant, l’élève en l’air comme un horrible toast et s’écrie : Eh bien, citoyenne, bois ce verre de sang à la santé de la Nation et nous sauverons ton père ! Frémissante, elle le prend, crie Vive la Nation et l’avale d’un trait.  » Thiers, dans son Histoire de la Révolution, en rajoute un peu : « Bois, disent-ils à cette fille généreuse, bois du sang des aristocrates, et ils lui présentent un vase plein de sang : elle boit, et son père est sauvé…  »

Le chœur des massacreurs reprend avec elle « Vive la Nation » et son père, gracié sur le champ par la foule qui l’acclame, regagne son cachot… Pour deux ans ! il sera guillotiné le 17 juin 1794 avec l’un de ses fils, tandis que son dernier fils sera fusillé lors du débarquement émigré de Quiberon en juin 1795.

Victor Hugo, jamais à court d’hyperboles, écrira à propos de Mlle de Sombreuil et de son verre : «  Le sang des morts coule dans son sein virginal…  » :

La Révolution touche à sa fin et Jeanne Jacques (sic) Marie Anne Françoise de Virot de Sombreuil épouse le comte de Villelume en 1796. Quelques années plus tard, Napoléon - grand pourvoyeur d’éclopés - crée à Avignon une importante succursale des Invalides de Paris, qui couvrait une grande partie de la partie sud de la ville, s’étendant du Séminaire Saint-Charles au cloître des Célestins en passant par le cloître Saint-Louis. Le comte de Villelume en deviendra gouverneur et y résidera avec sa femme que l’on appelle désormais la « comtesse Marie-Maurille. » Elle saura se faire aimer de ses pensionnaires militaires que l’on qualifierait aujourd’hui de « handicapés moteurs. » Victor Hugo - encore lui - écrira à ce sujet : «  La charité de Madame de Villelume fut peut-être aussi admirable que l’héroïsme de Mlle de Sombreuil. »

Elle fut inhumée à Avignon au cimetière Saint-Roch, puis déplacée à Saint-Véran lors du transfert des cimetières. Son cœur, placé dans un « carditaphe » (à vos dicos, les amis…) du couvent des Célestins, fut transféré à Paris dans la crypte des Invalides, lors de la fermeture de la succursale d’Avignon en 1850. Sur le carditaphe, son prénom d’usage «  Maurille » est curieusement orthographié au masculin « Maurisse » avec deux s !

À Avignon, de cette succursale des Invalides d’Avignon, témoignent encore deux tombes : celle du général Fugière, créateur de la Succursale des invalides, magnifiquement entretenue par le « Souvenir Français » :

et la tombe de Mademoiselle de Sombreuil qui porte ce nom de jeune fille, témoignage de sa célébrité qui dura un siècle. Avec cette inscription rédigée par les soldats invalides : «  Ici repose dans la paix du Seigneur, illustre dame I.I.M.M.A.E. (initiales de ses prénoms ?) comtesse de Villelume née de Sombreuil victime de l’amour filial elle n’a survécu que pour consoler les malheureux. La plaie de son cœur ne pouvait être cicatrisée que par la mort. Sa récompense était dans le Ciel. Décédée le XV mai MDCCCXXIII. R.I.P.  »

Depuis ma première visite, il y a douze ans, la plaque « Sombreuil » s’est détachée… sa pierre tombale s’est fendue et un morceau a disparu… Elle était encore fleurie au début du XXe siècle…

Y aura-t-il une association - d’Histoire ou de Féministes - pour se préoccuper de l’entretien de la tombe de cette femme héroïque ?

En l’an 330, le poète romain Ausone, visitant la tombe d’un ami à Bordeaux, faisait cette triste constatation, qui s’applique parfaitement à la dégradation progressive de l’épitaphe de Maurille :

« … Les lettres arrachées gisent,
Leurs lignes sont mutilées,
Et dans la confusion des caractères
Leur sens a disparu.
Il n’est pas étonnant que les hommes meurent…
Leurs monuments s’effritent :
Le trépas est inéluctable
Même pour les pierres et les noms.
 »

Une petite rue d’Avignon garde son souvenir : Rue Maurille de Sombreuil… encadrée par les rues Jacques Stuart, Roi Soleil, Madame de Sévigné, Richelieu et Mazarin (les deux sans la mention « Cardinal », laïcité oblige…) du beau monde quand même pour cette pauvre Maurille.

François-Marie Legœuil